Le comportement des abeilles

 en période d'hivernage

 

Lorsque survient le froid d'hiver, l'abeille doit modifier son com­portement pour assurer sa survie. Ainsi, la formation de la grappe permet à la colonie de résister à nos hivers rigoureux. Pour mieux comprendre les besoins de l'abeille en hivernage, il est important de connaître son comportement, tant individuel qu'en grappe.

 

ABEILLE SEULE :

Au point de vue métabolisme, l'abeille est un insecte à sang froid (poïkilotherme) et sa température est variable. Elle ajuste toujours la température de son thorax à 20°C au-dessus de celle ambiante, tandis que les animaux à sang chaud (homéotherme) maintiennent la température de leur corps constante, comme l'homme qui, en tout temps, conserve la sienne à 37°C. Si la température ambiante s'élève, celle du corps de l'abeille grimpe dans la même proportion. Cependant, l'insecte ne peut réagir ainsi pour toute température am­biante. En effet, si cette dernière dépasse 40°C, celle de son corps restera au-dessous de façon à vaincre cet excès de chaleur. La température de son corps n'excède que rarement 38°C et une mort très rapide survient si celle du milieu atteint 50°C.

Quand la température ambiante s'abaisse au-dessous de 10°C, celle du thorax restera alors beaucoup plus élevée de façon à sur­vivre à cette variation. A 8°C, l'abeille tombe dans le coma, et à 6°C, elle ne peut survivre plus d'une demi-heure.

 

ABEILLE EN GRAPPE :

L'abeille isolée a peu de chance de survivre à nos hivers. La formation de la grappe est le moyen de défense d'une colonie grâce à un microclimat intérieur adéquat.

Certains insectes hibernent (métabolisme nul) pour ne reprendre vie qu'au printemps. L'abeille en colonie, au contraire, réduit son métabolisme au minimum, mais demeure suffisamment active pour produire la chaleur nécessaire. La formation de la grappe se fait par étape :

-  Température supérieure à 20°C : comportement de l'abeille seule, comme il est décrit ci­   dessus.

-    Température de 19°C à 14°C: les abeilles forment de petits groupes de 20 à 100 abeilles.

-   Température de 14°C à 10°C:les petits groupes se réunissent autour du groupe de la reine pour former la grappe.

 

Schéma illustrant la distribution de température à l'intérieur d'une colonie d'abeilles en hivernage

Lorsque la grappe est formée, il s'établit des isothermes (lignes de même température). Les abeilles en périphérie sont complètement immobiles et leur abdomen est tourné vers l’extérieur de façon à maintenir la température du thorax plus élevée. La température en périphérie est maintenue constante à 8°C, indépendamment de celle autour de la grappe (sauf si ce degré de chaleur excède 8°C).  La déperdition de chaleur ne se fait que par conduction et les abeilles dans le pourtour forment une couche très dense et isolante, évitant ainsi des mouvements d'air refroidissant. Ainsi, la concentra­tion la plus dense d'abeilles se retrouve à l'isotherme 13°C et à l'in­térieur de l'isotherme 24°C; il y a suffisamment d'espace pour permettre aux abeilles de ventiler et leurs muscles de métaboliser du sucre pour ainsi produire de la chaleur. La production de chaleur se fait donc au centre de la grappe en ajustant la température au milieu de celle-ci de façon à toujours maintenir 8°C à la limite extérieure. 

La chaleur provient surtout de la digestion du sucre par les abeilles. Donc, quand l'abeille consomme du sucre, elle a besoin d'une certaine quantité d'oxygène pour le métaboliser, ce qui entraîne une production d'eau (vapeur), de gaz carbonique, et sur­tout de chaleur. Du miel ou du sirop de sucre à 17% de teneur en eau a un pouvoir calorifique de 3040 Kcal/kg. Le besoin annuel moyen pour la durée d'hivernage est d'environ 10 kg/ruche, ce qui représente environ 8 watts de production de chaleur sensible.

 

En consommant 10 kg de sirop en hivernage, une colonie a besoin d'oxygène pour le métaboliser. Basé sur cette consomma­tion, le besoin minimal d'oxygène sera de 1,75 I/h/ruche. Les abeilles n'étant pas affectées par moins de 7% d'oxygène et pas plus de 10% de gaz carbonique, le taux limite minimal d'approvisionne­ment en air est de 300 I/ruche/jour pour l'oxygène et de 600 I/ruche/jour pour l'élimination du gaz carbonique. Ainsi, dans une chambre où les ruches sont logées à 0,6 m3/ruche, ce taux de ventilation correspond à 600 I/jour ou un changement d'air par jour. En pratique, il faut assurer une atmosphère beaucoup plus saine. La ventilation minimale continue devrait fournir dix changements d'air par jour. L'hivernage de ruches sera réussi pour autant que certaines conditions soient respectées. L'humidité relative constitue une de ces conditions.

 

La colonie d'abeilles est peu sensible à l’humidité relative de l'air en période d'hivernage. Des essais ont démontré que l'humidité relative peut varier de 40% à 65%, sans affecter la performance des ruches. Cependant une humidité relative de l'ordre de 80% et plus va augmenter la teneur en eau du sirop et risque de causer des problèmes de dysenterie chez l'abeille. D'ailleurs, à cette humidité, la détérioration du matériel est très rapide. L'humidité relative idéale à maintenir est de 55% à 60% de façon à conserver la teneur en eau du sirop à environ 17%.

 

Le point le plus important dans la qualité d'hivernage est le bon contrôle de la température. Il semble que la température idéale, pour réduire au minimum l'activité des colonies, est de 5°C.

 

Jocelyn Marceau

Ingénieur  Agronome

Extrait de la revue « L’abeille » juin 1982 page 12